Les événements historiques en Crimée apportent aux prémonitions de Salvador Dali une nouvelle preuve d'authenticité. En marge des vives tensions provoquées par les bouleversements politiques en Ukraine, le parlement de la petite république de Criméé (2.033.700 habitants) a décidé le 27 février de se séparer de Kiev. La crise est marquée par une reprise en main politique de la part du président russe Vladimir Poutine, qui a annoncé son intention de protéger ses "concitoyens" d'Ukraine.

Les forces russes ont occupé fin février 2014 la presqu'île de Crimée en arborant leur drapeau blanc-bleu-rouge. Le Parlement local décidait dans l'urgence d'organiser un référendum de rattachement de la Crimée à la Russie. Poutine annonçait qu'il allait respecter la volonté du peuple. Le dimanche 16 mars, le scrutin très controversé d'est déroulé à l'ombre des troupes russes, qui avaient verrouillé la péninsule. 96,6 % des votants se sont exprimés pour le rattachement à la Russie. Le parlement russe de la Douma devrait rapidement valider le résultat de ce référendum, considéré comme illégal et inconstitutionnel. La force l'a emporté sur le droit. Le monde n'avait pas vu ça depuis la chite de l'URSS en 1991.

La résurgence des méthodes brutales d'une autre époque confirme les prémonitions post-soviétiques de Salvador Dali, illustrées par le visionnaire dans son tableau "Hallucination partielle. Six images de Lénine su un piano" (Dali, 1031). Voici quelques explictions. Le destin personnel de Salvador Dali est greffé sur l’Histoire. Le peintre fut obligé dès les années 1930 à organiser sa carrière en fonction des graves événements historiques, qui l’on contraint d’abord de quitter l’Espagne en 1934 pour la France et fuir ensuite la guerre civile de 1936. Dali est parti en 1940 avec Gala pour les Etats-Unis pour échapper aux affres de la 2e guerre mondiale, quand les armées de la Wehrmacht envahissaient la France. On connaît les œuvres révélatrices que le peintre a consacrées à la guerre civile et à l’énigme d’Hitler. Son penchant paranoïaque-critique pour la figure révolutionnaire de Lénine s’explique en partie par sa volonté provocatrice de narguer les représentants français du mouvement surréaliste, très attachés à l’idéologie communiste.

Le cours inattendu de l’Histoire a fini par donner aux compositions bizarres de Dali des projections divinatoires, qui valorisent le flair prophétique inné du peintre. Créées dans les années 1930, les toiles mettant en scène Lénine ont trouvé leur véritable signification historique après l’effondrement de l’URSS en 1991. Le tableau «Hallucination partielle. Six images de Lénine sur un piano» constitue un exemple flagrant de l’Art divinatoire pratiquée par Dali.

Dali : Visions post-soviétiques (extrait du «Codex Dalianus» de 2012)


"Hallucination partielle. Six images de Lénine sur un piano" (Dali, 1931)


L’œuvre a été peinte en 1931... . Dali avait capté l’idée dans un état hypnago-gique avant d’en faire une composition révélatrice à forte teneur politique. L’ étrange hallucination montre une pièce obscure, dans laquelle on peut découvrir un mystérieux personnage rigide, assis sur un meuble face à un piano à queue. Sur le piano sont reproduites six têtes incandescentes de Lénine, chef de fil de la révolution bolchévique. La partition musicale est recouverte de fourmis. L’homme porte un brassard. Il s’accroche à une chaise placée à sa droite en pointant le doigt sur des cerises déposées sur une nappe blanche. Au fond de la pièce noire, une porte est ouverte sur une salle éclairée, où apparaît une figure monstrueuse.

La tête de Lénine est reproduite ici selon la technique de l’écho optique. La dimension des six chefs du leader communiste se réduit sous l’effet de perspective de la répétition (déclinante) de l’image. Cette mise en scène surréaliste a une signification profonde. Elle annonce les circonstances particulières qui ont marqué l’effondrement du système communiste dans les années 1990. Le personnage raide assis sur la commode est Boris Eltsine, ancien président de la Russie. On le reconnaît à la coupe de ses cheveux blancs, toujours impeccablement coiffés. La serviette attachée sur ses épaules montre qu’il sort d’un salon de coiffure. Son comportement n’est pas tout à fait normal. Peut-être a-t-il abusé de la vodka ? S’est-il trompé de siège ? Il se tient raide sur une commode en s’appuyant sur la chaise. Le doute n’est pas permis. C’est bien Eltsine, l’ancien membre du bureau politique, muni du brassard du Parti.

Boris Eltsine est devenu président du Parlement de Russie en mai 1990 – au temps des cerises – avant d’être élu pré- sident de la Fédération de Russie en juin 1991. Au mois de décembre de la même année, il s’est allié avec d’autres présidents des ex-républiques soviétiques pour fondre la CEI (Communauté des Etats Jndépendants) et pousser son rival Gorbatchev vers la sortie. En se divisant progressivement, lentement - comme les têtes de Lénine sur le piano - l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS) a cessé d’exister le jour de Noël, 25 décembre 1991. Les neuf années du règne fantasque du président Eltsine qui suivaient furent marquées par la corruption et des absences alcoolisées. Le nouveau «tsar de Russie» a démissionné le 31 décembre 1999 en cédant sa place à son protégé Vladimir Poutine. Après 69 ans d’Histoire, les masques sont tombés en 1991. Sur cette mauvaise partition, la masse prolétaire des fourmis court dans tous les sens, égarée comme des stakhanovistes trompés. Les monstres du détestable régime communiste sont sortis de leurs planques. Au fond du tableau apparaît la lumière. (Fin de citation de l’ouvrage «Visions d’un Monde Nouveau, Dix prophéties de Dali», page 64, série Codex Dalianus, paru en avril 2012<).

83 années après la création de l’«Hallucination partielle», l’Histoire apporte une formidable caution à la peinture divinatoire de Salvador Dali. Incontestablement, sa toile prophétique de 1931 trouve dans les événements de l’hiver 2014 en Ukraine et en Crimée une illustration flagrante de la brutalité post-soviétique de Poutine !

17 mars 2014 ● Roger Michel Erasmy, auteur du «Codex Dalianus» (Dali décodé) ● depuis 1984

Voir aussi le billet du 10 mars sur l'UKRAINE