Le 9 mai 1979, Salvador Dali est entré à l’Académie française, section beaux-arts. A Paris, il s’agissait d’un événement considérable pour la consécration du surréaliste espagnol, dont on appréciait le génie créatif tout en jugeant sévèrement son exhibitionnisme impénitent. Le célèbre artiste avait reçu son épée d’académicien le 8 mai à l’Hôtel Meurice dans le cadre d’une réception mondaine. Sous la Coupole, le discours du peintre fut certes flamboyant, mais considérablement énigmatique. Ses déclarations solennelles évoquaient successivement la Gare de Perpignan, «centre de gravité de l’univers» et la «théorie des catastrophes» du mathématicien René Thom. Plus Gala, Vélasquez et la Toison d’Or. Mais le plus étonnant de ses propos concernait la notion ADN, relevée par «magie anagrammatique» dans l’interprétation du nom de son prédécesseur Mariano Andrieu.

L’allusion pourrait être considérée comme anecdotique, s’il n’y avait pas eu seize années auparavant l’énigmatique toile intitulée «Arabes acidodésoxyribonucléiques» (ADN) représentant des femmes musulmanes voilées assises dans le désert. (Voir la reproduction). Ramenée à la politique de l’immigration du gouvernement français relative aux tests ADN, la toile de 1963 a pris en 2007 la dimension d’une véritable indication prémonitoire. L’amendement ADN, lancé le 19 septembre 2007 par le député du Vaucluse Thierry Mariani, fut repris par Brice Hortefeux, Ministre de l’Immigration, de l’Intégration et de l’Identité nationale. Il s’agissait de mettre en échec les fraudes à l’état civil lors du «regroupement familial» des immigrés.


"Arabes acidodésoxyribonucléiques " (ADN), Dali 1963

Au mois d’octobre 2007, l’amendement des tests ADN avait soulevé de multiples oppositions, à gauche comme à droite. Après l’Assemblée Nationale, en septembre, le Sénat a fini par adopter le 4 octobre une version remaniée du texte controversé. Le nouveau ministre de l’Immigration Eric Besson a finalement enterré les tests ADN en annonçant le 13 septembre 2009 qu’il refusait de signer les décrets d’application. Le débat sur la «burqa» (port du voile intégral) a donné à la polémique passionnée sur l’Islam en France de nouveaux prolongements. L’Assemblée nationale a adoptée le 13 juillet 2010 à une écrasante majorité le projet de loi visant à interdire le voile intégral dans l’espace public.

L’intervention inopinée d’Oussama Ben Laden à la date du 27 octobre 2010 sur la chaîne de télévision qatarie Al-Jazira a réactivé les inquiétudes autour de la question récurrente du voile islamique. Dans son violent message audio adressé «au peuple français», le chef d‘Al-Qaïda a justifié l’enlèvement des 5 otages français dans le nord du Niger par l'Aqmi maghrébin (17 septembre 2010) en menaçant de riposter à l’interdiction du voile intégral en France. Le 8 novembre 2010, soit douze jours après la communication de Ben Laden, cinq jeunes hommes, des Français d'origine algérienne, ont été interpellés à Paris au retour de la zone tribale pakistano-afghane. Ils ont été soupçonnés d'appartenir aux filières jihadistes et de projeter l'assassinat de Dalil Boubakeur, recteur de la mosquée de Paris. Le terrorisme des islamistes continue à mettre en péril la sécurité dans l'Hexagone.

A travers l’annonce du test ADN, demandé aux étrangers dans le cadre du projet de loi sur la «maîtrise de l’immigration», la mystérieuse toile des «Arabes acidodésoxyribonucléiques» a trouvé en 2007 une authentique consécration visuelle. ADN est le sigle de l’acide désoxyribonucléique, support de l’information génétique. Dali s’en était inspiré pour réaliser un tableau bien étrange peuplé de figures arabes voilées. Son flair divinatoire marque en la circonstance de nouveaux points en termes de crédibilité. La grande majorité des immigrés de France, réguliers ou clandestins, sont d’origine subsaharienne et du Maghreb. La toile brossée en 1963 par l’artiste inspiré confirme la précision de ses visions.
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La vaste réflexion sur «l’identité nationale», lancée à mi-mandat présidentiel par Nicolas Sarkozy a donné aux prémonitions daliniennes des arguments supplémentaires. Mis en route le 2 novembre 2009 sur Internet par le ministre de l’Immigration Eric Besson, le «noble débat» avait déclenché une tempête raciste aux conséquences redoutables, compte tenu de la proximité des élections régionales de mars 2010. Ce thème d’actualité se voulait populaire. En fait, le débat sur l’identité française a rapidement tourné en répugnante polémique sur l’islam et l’immigration. La campagne s’est éteinte rapidement sous l’effet de ses propres contradictions. On est tenté de dire : provisoirement. Car le discours tenu le 30 juillet 2010 par Nicolas Sarkozy à Grenoble a suscité une «escalade sécuritaire» assimilant la délinquance à l’immigration. L’année passée, en France, la politique de l’intégration a évolué. Les Roms venus de Bulgarie et de Roumanie ont pris le relais des musulmans comme boucs émissaires responsables de tous les maux de la France. L’Union Européenne s’en est offusquée.

Le Ministère de l'identité nationale a disparu le 14 novembre 2010 lors du remaniement gouvernemental voulu par le président de la République. C'est un signe. Eric Besson est passé à l'Industrie . Et l'inventeur de l'amendement ADN Thierry Mariani est devenu secrétaire d'Etat auprès de la ministre de l'Ecologie et du développement durable. Décidément, le monde politique est un théâtre permanent où il faut apprendre à jouer son rôle. Au demeurant, le problème délicat de l'intégration des immigrés reste entier..

L’entrée de Salvador Dali à l’Académie française avait renforcé le prestige de l’illustre surréaliste. 1979 a été dans la fabuleuse carrière du peintre espagnol une année-clef, qui s’est achevée par la formidable rétrospective Salvador Dali au Centre Pompidou. Présentée du 18 décembre 1979 au 21 avril 1980 à Beaubourg, cette dernière grande exposition personnelle du Catalan s’est transformée en un véritable triomphe avec une affluence-record de plus de 800.000 visiteurs enthousiastes.

Le "mythe-signe de Marianne" (Dali 1978)

L’année 1979 fut également marquée par la parution du «mythe-signe» de Marianne, créé en 1978 par Dali pour les Postes et Télécommunications françaises. Mise en circulation le 17 novembre 1979, l’œuvre philatélique présente la figure de l’icône emblématique de la République Française de profil, coiffée d’un bonnet phrygien. La tête de Marianne est entourée des symboles tordus le «l’écriture catastrophéiforme» de Salvador Dali. Vus de près, on constate que ces idéogrammes entortillés correspondent aux caractères de l’alphabet arabe. Les arabesques du timbre-poste de Marianne constituent un avertissement flagrant relatif aux tourments musulmans de la France. Le chapitre consacré au «mythe signe» de Salvador Dali explique les corrélations de redoutables menaces et les liens avec l’actualité de la République.