Perpignan : Salvador Dali devant sa cathédrale d’inspiration

Le 27 août 1965 fut la journée la plus importante de la vie paranoïaque-critique de Salvador Dali. Le peintre l’a reconnu lui-même en octobre 1983. En panne d’inspiration, le génial surréaliste catalan avait décidé au cours de l’été 1965 de se rendre en voyage officiel à la principale station ferroviaire du Roussillon, où il avait découvert le 19 septembre 1963 le «Centre de l’Univers» de sa mystérieuse cosmogonie. Organisé depuis Cadaqués avec le concours du quotidien L’INDEPENDANT de Perpignan, ce délirant périple a été enregistré dans son intégralité par une équipe télé de l’ORTF. La forte émotion ressentie par Dali s’explique du fait de la présence de 10.000 personnes exaltées venues ovationner le Maître du Surréalisme à la sortie de la Gare de Perpignan, où il était arrivé dans un wagon de marchandises, entouré de sa cour.

Ce qu’il y avait de fécond dans le voyage historique du 27 août 1965, c’est la création du tableau embléma-tique «Le Mystique de la Gare de Perpignan». L’œuvre est monumentale (406 X 295 cm) et fort révélatrice de la prescience divinatoire de Salvador Dali. En effet, l’immense toile en forme de croix de Malte apporte à l’énigmatique station ferroviaire un complément d’information, qui confirme sa vocation de vitrine ésotérique du destin de la Ve République. Car ici est marqué l’avenir de la France ! J’ai eu l’occasion d’expliquer les projections prophétiques de la célèbre gare dans plusieurs billets éloquents depuis 2007 (notamment les Nos 7, 30 et 40).

Le fameux tableau avait été présenté le 18 décembre 1965 à New York avant de transiter par Paris et d’être vendu définitivement au Musée Ludwig de Cologne (D). En Rhénanie, l’œuvre bénéficie d’une popularité considérable. A Perpignan, la toile est fort mal connue. Il est vrai que la ville de Perpignan n’a jamais su exploiter efficacement le phénomène Dali, véritable bienfaiteur alchimique, qui a donné à la station ferroviaire une gloire planétaire. Car le «Centre de l’Univers» fut aussi le lieu d’expédition de la quasi-totalité des tableaux que le peintre catalan destinait à sa clientèle fortunée du monde entier.

Ce qui reste de 1965, c’est le wagon-modèle que l’artiste a reproduit en haut de sa toile. Retrouvé en 1986 par l’écrivain Roger Michel Erasmy (moi-même) sur le terrain de la SNCF à Perpignan-Saint Assiscle et transformé en support culturel actif, le Wagon de Dali circule depuis 1995 à travers l’Europe comme «plus petit espace surréaliste du monde». Cette formidable antenne mobile de la Gare de Perpignan fait perdurer le rayonnement magique de la principale cathédrale d’inspiration de Dali. L’immense succès rencontré cet été par le «Wagon de Dali» en Bavière est une démonstration flagrante de l’aura permanente des reliques du génie dalinien. (Voir sous "Agenda" le billet du 31 jullet 2010).


Roger Erasmy devant le tableau emblématique de 1965

Perpignan 2012 : la mémoire retrouvée

45 ans après, les choses ont bien changé. En 1999, le parvis de la Gare a été rebaptisé «Place Salvador Dali» suite à une pétition que j’avais adressée au Sénateur-Maire de la Ville en 1989 après la disparition de Salvador Dali. Ensuite, il y a les effets du progrès technologique. La capitale du Roussillon attend depuis une dizaine d’années l’arrivée du TGV, qui doit relier Paris à Barcelone en 5h 35minutes par une voie rapide normale (rail de 1,44 m) traversant les Pyrénées à + 300 Km/heure du côté du Perthus. Une nouvelle gare de Perpignan a été construite derrière la station historique chère à Dali. Des différends politiques survenus entre la France, l’Espagne et la Commission Européenne de Bruxelles ont retardé l’achèvement de la ligne, dont le seul tronçon exploitable se situe entre Perpignan et Figueras sur 44,4 kilomètres. Les innombrables visiteurs européens du Teatro Museo Dali devraient s'en réjouir.

Normalement, la nouvelle station devrait être baptisée «Gare Salvador Dali». En fait, il s’agit d’un immense complexe commercial immobilier-hôtelier de 26.000 m2 appelé «Centre del Món». Conçu par le cabinet d’architectes barcelonais L35, ce pôle d’échanges multimodal un tantinet mégalo appartenait au groupe espagnol Sacresa, qui l’a cédé en 2009 à la société madrilène Metrovacesa à la suite de graves difficultés financières. La crise est passée par là. La principale curiosité de la Gare TGV consiste dans un espace sportif surréaliste en forme de galet. En hommage à Dali, on aurait pu imaginer un œuf, symbole de plénitude.


Le "galet" de la nouvelle gare TGV de Perpignan

Aux dernières nouvelles, la gare TGV de Perpignan serait inaugurée fin 1012.
Cet événement coïncidera donc avec la «fin du monde», inscrite dans le calendrier Maya !

Roger Michel Erasmy ● www.dali-visions.dali-code.com 27 août 2010