Rappel des prémonitions de Salvador Dali

Depuis des semaines, la crise financière grecque a pesé sur l’union monétaire européenne. Menacée de faillite, Athènes a perdu la confiance des marchés. Pendant des années, la Grèce a caché ses difficultés en maquillant un endettement abyssal, accumulé sur fond de corruption et de fraude fiscale. Pour se mettre en règle avec les traités communautaires, le gouvernement grec a promis des mesures d’économie drastiques, qui ont suscité de violentes réactions sociales. Devant la menace d’un éclatement de la zone euro, les dirigeants européens (désarçonnés autant que divisés) ont mis du temps pour trouver une solution honorable susceptible de limiter les excès de la spéculation en vue de sauver la Grèce et d’éviter un désastre pour l’euro. La réunion du 25 mars 2010 à Bruxelles a permis de conclure un accord en trompe-l’œil de «nature préventive». La crise grecque a mis en évidence les limites de l’Union européenne, signes avant-coureurs d’une future implosion de la zone Euro !

Salvador Dali a pressenti de graves ruptures européennes. La prémonition de 1985.est éloquente. A l’occasion de la signature du traité d’adhésion de l’Espagne à la Communauté Européenne, le gouvernement de Madrid a offert aux 12 délégations signataires de la CEE une œuvre significative commandée au plus grand artiste espagnol vivant : Salvador Dali ! Le contenu iconographique de ce message dalinien à l’Europe a ceci de troublant qu’il illustre des séquences sanglantes de luttes et de combats de coqs.
Le message de Dali à l'Europe (Madrid, 1985)

Depuis les années 1980, Dali avait lancé une étrange vision dénommée «Enlèvement d’Europe». Cette prémonition a reçu successivement des réponses politiques lors des référendums du 29 mai 2005 et du 12 juin 2008. D’abord, les Français se sont exprimés majoritairement (+ 54%) contre la Constitution Européenne élaborée par la Convention Giscard d’Estaing. Face au blocage de l’Union, il fallait rédiger un nouveau projet. Le processus de ratification du «Traité de Lisbonne» s’est ensuite heurté au refus irlandais. Les choses se sont arrangé depuis, mais les dispositions du nouveau Traité ont montré leurs limites lors de la crise grecque. Angela Merkel en a même évoqué la modification.

"L'Enlévement Topologique d'Europe" (Dali, 1983)

En 1983, le visionnaire a donné à son intuition une forme graphique en créant une toile intitulée «L’Enlèvement topologique d’Europe», qui fait partie de son inquiétante «Série des Catastrophes». Cette oeuvre tardive, assez médiocre, illustre une fracture, qui s’est produite en mars 2009 en pleine crise économique. L’arrivée du tchèque Mirek Topolanek à la présidence européenne au premier semestre de 2009 avait inauguré une phase particulièrement critique. Le premier ministre tchèque a été débarqué le 24 mars 2009 à Prague à la suite d’une motion de censure, laissant l’Union Européenne des 27 sans président. Ce topo apocalyptique avait déclenché une crise institutionnelle qui a mis en évidence les conséquences de l’élargissement précipité de l’Union aux pays de l’Est. .

«L’Apothéose du Dollar», encore ! Suite à un laborieux accord franco-allemand, les pays de la zone Euro ont fini par s’entendre le 25 mars 2010 sur un mécanisme d’aide financière à la Grèce. Ce compromis peu glorieux implique le soutien du FMI (Fond Monétaire International). Non seulement, ce recours à l’institution de Washington est humiliant pour l’Union Européenne affaiblie. Mais en plus, cette curieuse entente politique correspond aux symboles divinatoires inscrits par Dali dans la toile prophétique de «L’Apothéose du Dollar». L’œuvre est dominée par le profil de l’Hermès (de Praxitèle), héraut officiel des Dieux de l'Olympe et divinité hellénique du négoce et des voleurs .Notez l'énorme signal grec laissé par Dali !

L'Hermès dans "L'Apothéose du Dollar" (Dali, 1965)

Après des semaines de déchirements, la chancelière Angela Markel a finalement accepté le compromis de Bruxelles. Elle aurait préféré une modification des Traités européens dans le but de durcir l’application rigoureuse du pacte de stabilité décidé à Maastricht, pouvant aller jusqu’à l’exclusion des mauvais élèves de l’Union monétaire. Alors que les 27 ont fini par s’entendre sur un plan de sauvetage «a minima» de la Grèce, les autres pays du groupé PIGS (Portugal, Italie, Grèce, Spain) donnent de sérieux signes de faiblesse. A Bruxelles, on a pu sauver les apparences. Face au dollar, la crise de l’euro n’est pas finie !